Bulletin 19 / Automne 2002
Oscar Huguenin
Peintre et écrivain Neuchâtelois (1842 - 1903), et son ascendance
par Jacqueline Borel - de Rougemont
Présentation d’Oscar Huguenin
Oscar Huguenin naît à La Sagne, village de paysans-horlogers du Haut-Jura neuchâtelois. Le pasteur, dont il fréquente le catéchisme, remarque les dons exceptionnels d’Oscar pour le dessin et la narration. L’enfant aurait été traditionnellement destiné à être pendulier, mais fit heureusement des études d’instituteur.
En 1856, époque où son père Alfred, trop fervent royaliste, devait s’exiler en France pour travailler, Oscar dessinait les soldats des milices confédérées, venues occuper le canton. Le dimanche, il partait à pied, faisant 60 kilomètres aller et retour, pour visiter son père à Morteau. D’un beau coup de crayon, le long du chemin, il esquissait sur le vif les scènes de la rue qui le frappaient et plus spécialement les soldats français aux uniformes colorés.
En 1860, son examen d’instituteur réussi, il est nommé « régent d’école » à Couvet. Toujours comme enseignant, en 1861, il professe à Bôle ; là, un accident le contraint, dix ans plus tard, à renoncer à cette profession, Durant l’hiver 1870, Oscar Huguenin, dessine les scènes poignantes du passage des soldats en déroute du général Bourbaki. Son album de croquis a été vendu pour venir en aide à ces réfugiés.
Par un amusant retournement de l’histoire, le roi de Prusse, Guillaume Ier, exprime le désir de posséder aussi cet album et en commande une copie à l’artiste, par l’intermédiaire de son ambassadeur à Berne. Il paie cette commande 821,90 marks, soit 1000 frs. suisses de l’époque (Archives royales, Berlin, comptes de Wilhelm, empereur, 1873-1881, cote W. 35.).
En 1907, de Boudry, où elle habite, la fille d’Oscar Huguenin, Mademoiselle Anna, écrit à l’empereur d’Allemagne pour lui demander ce qu’est devenu cet album. Le 2 mai 1907, elle apprend de Berlin que l’album a disparu. Un album, dont on ne sait s’il est l’original ou la copie, est conservé dans les collections de la Zentralbibliothek (Zâhringerplatz 6, Zurich).
Parlons maintenant de son œuvre littéraire: il habite Boudry, mais n’oublie pas dans ses récits d’évoquer les histoires de son pays natal, La Sagne, les faits traditionnels transmis lors des veillées. A partir de 1885, à chaque fête de Noël, les libraires romands et parisiens, offraient à leur clientèle un nouvel ouvrage du conteur neuchâtelois. L’écrivain orne ses livres lui-même puisqu’il allie à son talent d’écrivain celui de dessinateur.
L’homme de lettres Philippe Godet disait de lui: « Oscar Huguenin, écrivain et dessinateur, n’avait qu’une préoccupation, conserver le souvenir respectueux de notre passé local, en fixant l’image des types et mœurs d’autrefois. Ses récits sont empreints de bonhomie et d’humour ».
Oscar Huguenin s’est éteint à Boudry à l’âge de 61 ans. Une rue de la ville porte son nom et une plaque commémorative a été posée à la façade de sa maison. Madame Anna Rittershaus possédait, dans son salon de Schweinfurt, un autoportrait de son père. En 1945, lors de l’approche des Américains, elle reçut l’ordre de fuir sa ville. Elle couvre alors en hâte ce cher portrait d’un grand drapeau suisse (drapeau qu’elle avait arboré en 1914-1918 sur son auto d’ambulancière pour conduire des enfants belges à travers l’Allemagne jusqu’en Suisse). Lorsqu’elle regagne sa maison, elle constate avec stupeur et satisfaction que, grâce au drapeau suisse, elle est intacte au milieu des autres maisons pillées et saccagées.
Ce portrait d’Oscar Huguenin, miraculeusement sauvé de l’oubli, a été offert par la fille et la petite-fille de l’écrivain à la ville de Boudry, où il a trouvé une place d’honneur à l’Hôtel de Ville.
Un autre autoportrait d’Oscar Huguenin, plus jeune, se trouve au Musée des Beaux-Arts de Neuchâtel. De nombreuses autres œuvres artistiques du peintre, dessins et huiles, appartiennent à des collections privées. Le musée régional de La Sagne a dédié une salle à Oscar Huguenin, natif du dit lieu (inauguration le 2 novembre 2002), et le musée de L’Areuse à Boudry n’a pas été oublié. La bibliothèque de la ville de Neuchâtel conserve précieusement les archives de cet écrivain.
Ouvrages littéraires d’Oscar Huguenin
L’armurier de Boudry, paru en 1885, réédité en 1900 et en 1980
Josué le Magister, paru en 1886
Les Aventures de Jacques Gribolet, paru en 1888
Aimé Gentil, paru en 1889
Récits du Cosandier, paru en 1890, réédité en 1928 et en 1978
Clochers neuchâtelois, (album de 55 dessins), paru en 1891
Madame l’Ancienne, paru en 1892, réédité en 1932 et en 1979
Maitre Reymond de Lœuvre, paru en 1895, réédité en 1930
Gens de cœur, paru en 1896
L’Héritage de Biaise, paru en 1897, réédité en 1928
Récits de Chez Nous, paru en 1898
Le Solitaire des Sagnes, paru en 1899, réédité en 1927, 1977 et en 1980
Constant, paru en 1900
Nos Vieilles Gens, paru en 1902
Le Régent de Lignières, paru en 1903
Derniers Récits, paru en 1907 et réédité en 1981.
Généalogie de l’écrivain Oscar Huguenin par Pierre-Arnold Borel
Première génération
Huguenin – Tenet Oscar, communier du Locle et de La Chaux-de-Fonds; né le 18 décembre 1842, baptisé le 21 janvier 1843, à La Sagne; décédé le 13 février 1903, à Boudry, épouse en premières noces, le 27 avril 1875, Engwiller Anna, fille du chancelier d’Etat d’Appenzell; elle est née le 10 octobre 1852, à Teufen, et morte en couches, à Boudry en 1876. Enfant: Laure, 1876-1918, née à Boudry, décédée à Berne; institutrice. Veuf, il se remarie à Hérisau, le 1er octobre 1883 avec Engwiller Elisabetha, sœur de sa première épouse; née le 3 juin 1851, à Rehetobel; décédée à Boudry, le 2 avril 1906. Ils sont les parents de:
Anna, née le 23 avril 1885, à Boudry, épouse le 20 juillet 1907, à Cologne, Langen Peter Nikolaus Félix (apparenté à Félix Mendelssohn-Bartholdy, musicien) et en deuxièmes noces Rittershaus Gerhard, médecin, dont une fille, Anne-Marie, née en juillet 1918, à Cologne. En 1980, Madame Anna Rittershaus et sa fille Anne Marie vivent à Neuchâtel, où elles ont reçu l’auteur de cet article pour lui ouvrir leurs archives de famille. Madame Anna Rittershaus décédera centenaire. Alfred, né le 4 octobre 1887, décédé en décembre 1926, ciseleur graveur, artiste peintre, épouse Marguerite Perret, de La Sagne, sans descendance. Marie, née en 1890, infirmière-chef à Bruxelles, décédée à Cologne, le 9 février 1913.
Deuxième génération
Huguenin-Tenet Alfred, fils de Charles-Henri, vit à La Sagne, communier du Locle et de La Chaux-de-Fonds, bourgeois de Valangin en la Principauté de Neuchâtel; né le 3 mai 1818, à La Chaux-de-Fonds, horloger, planteur d’échappements. Fervent royaliste, il dut, lors de la contre-révolution, se réfugier à Morteau, en Franche-Comté, en 1856. Il décédera le 21 août 1869 à Bôle. Il avait épousé, le 10 août 1839, à La Sagne, Martin Henriette, de Peseux, fille de David lui-même fils de David, et de Marie Elisabeth Bendith, fille de Guillaume Bendith, de Boudry, née en 1813. C’est par sa mère Henriette née Martin, que l’écrivain Oscar Huguenin était cousin d’un autre écrivain neuchâtelois de valeur, Louis Favre. Les portraits peints de ce couple se trouvent au musée de La Sagne. Leurs enfants sont tous nés au dit lieu:
Jules Alfred, né le 3 juin 1840, horloger, épouse Elise Martenet, veuve de Philippe Martenet, de Serrières. Elise était née Schmied, à Valangin, en 1851. Sans descendance.
Laure Henriette, née en 1841, décédée jeune fille.
Oscar, né en 1842, écrivain, dessinateur et instituteur.
Auguste, né le 1 juin 1844, décédé le 2 octobre de la même année.
Troisième génération
Huguenin – Tenet Charles-Henri, fils de Charles Henri, né le 15 avril 1790, à La Chaux-de-Fonds, baptisé le 8 mai, épouse le 7 mars 1818, au Locle, Faigaux Célestine, fille de Jean, de Malleray en l’Evêché de Bâle. Elle était née le 7 janvier. 1789, à La Chaux-de-Fonds. Leurs enfant sont: Alfred, né en 1818, à La Chaux-de-Fonds, ligne directe.
Quatrième génération
Huguenin – Tenet Charles-Henry, fils d’Abram-Louis, baptisé le 25 novembre 1760 à La Chaux-de-Fonds au Grand-Temple, paysan-horloger, décédé avant 1799. Il avait épousé, le 21 octobre 1780, Lerch Lydie, fille de Jean, d’Affoltern. Veuve, elle se remarie en 1802 avec Frédéric Charles Ducommun, fils de Jean Frédéric, coussenioteuse aux fuseaux (dentellière). Leurs enfants sont nés à La Chaux-de-Fonds:
Charles-Auguste, né en 1781, épouse Marie-Louise Morel, des Hauts-Geneveys, dont:
Constant, né en 1824. Charles-François, né en 1784 Charles-Henry, né en 1790
Cinquième génération
Huguenin Abram-Louis, fils de Josué dit « Tainoté ». En patois neuchâtelois « Tainoté » veut dire Antoine, prénom de son quintisaïeul. Il est baptisé le 5 juillet 1721, à La Chaux-de-Fonds, où il décédera le 20 juin 1776, paysan. Il avait épousé Morel Susanne-Marie, fille de Jean-Jacques, de Corgémont en Erguel. Leurs enfants sont tous nés en la mairie de La Chaux-de-Fonds: Abram-Louis, né en 1754, épouse Lidie Calame, du dit lieu. Jean-Pierre, né en 1755, épouse Susanne Esther Dubois dit BonClaude, de La Chaux-de-Fonds. Elle est citée dans le journal du perruquier-notaire Sandoz,
Manuscrit déposé à la bibliothèque de la ville du Locle. Susanne Marie, née en 1757, épouse Pierre Frédéric Dubois dit BonClaude. Marianne, née en 1759, épouse Frédéric N …
Charles Henri, né en 1760, ligne directe.
Juliane, née en 1763, épouse Christian Guillaume Puk, de Darmstadt, en Hesse; paysan aux Planchettes. Félix, né en 1767, épouse Justine Ducommun, des Planchettes.
Sixième génération
Huguenin Josué, fils de Josué, du Locle et de La Chaux-de-Fonds, bourgeois de Valangin, 1690-1758. Paysan horloger au Valanvron, ancien d’Eglise et justicier de La Chaux-de-Fonds. Le pasteur a écrit dans le registre d’Eglise ce qui suit: « …encore, le jour 11 juin 1758, a esté enterré Josué Tainoté… « . Il avait épousé Ducommun dit Veron Jeanne Esther, de La Chaux-de-Fonds, fille de Guillaume, de La Haute-Fie, décédée le 20 mars 1752. Leurs enfants sont: Josué, époux d’Esther Jeanne Jeanrichard, fille de Jacob, de La Sagne. Abram-Louis, né en 1721, ligne directe. Marie Isabelle, épouse Charles Fredrich Sandoz, du Locle. Frederich, fondeur, épouse Marie Madelaine Dubois, fille de Jonas. Veuf, il se remarie avec Marie Esther Grandpierre-Robert, fille d’Abram. Jean Pierre, fondeur, époux de Marie Anne Droz dit Busset, fille d’Abram. Jeanne Esther, cosandière (couturière). Judith, épouse N … Peter, un Allemand venu de la Lorraine. Marie-Madelaine, épouse Jean Pierre Calame, graveur et peintre de cabinets de pendules.
Septième génération
Huguenin Josué, fils de Josué, né vers 1660, paysan au Valanvron, ancien d’Eglise. Il décède à huitante sept ans le 9 décembre 1747. Il avait épousé la fille de Jean Ducommun dit Boudry, de La Chaux-de-Fonds, qui mourut le 21 juillet 1732. Leurs enfants sont: Josué, ligne directe.
Judith, épouse Fredrich Brandt, fils d’Abram. Veuve, elle se remarie avec Louis Bourquin
Huitième génération
Huguenin Josué, fils de Daniel, paysan au Valanvron. Avec ses frères, il reconstruit la maison paternelle de Neuhostau, détruite par l’incendie. Le 23 mai 1662, il reçoit du comte de Valangin des lettres de bourgeoisie et reconnaît ses biens le 6 juin de la même année. Il avait épousé Ducommun-dit-chez-Blaise Madelaine, fille d’Abram, de La Chaux-de-Fonds. Leur enfants sont: Daniel, époux de Judith Madelaine Racine. Josué, ligne directe.
Suzanne, épouse Claude Perret-Gentil, puis Daniel Perret-Gentil, du dit lieu. Esther, épouse Jacques Jeanneret, du Locle
Neuvième génération
Huguenin Daniel, fils d’Antoine. Au Valanvron, il bâtit une maison nommée la Neuhosteau, et vieillard, assiste à son incendie. Il décède avant 1662. Il avait épousé Ducommun dit Boudry Suzanne, fille de Pierre. Leurs enfants sont: Biaise
Jaques, épouse Biaisa Duboz dit Cosandier Daniel Judith, épouse Moyse Ducommun dit Tinnon, fils de Moyse, de La Chaux-de-Fonds.
Josué
Dixième génération
Huguenin Antoine, fils de Georges, du Locle, paysan au Valanvron, épouse la fille de Pierre Jaquet-Droz, du Valanvron, « …et alla gendre au dit lieu.. » c’est-à-dire qu’il alla habiter chez son beau-père. Sa descendance, à la cinquième génération, ajouta son prénom patois « Tainoté » au patronyme afin de les déconnaître des nombreux autres Huguenin. Leurs enfants sont: Moyse dont descendance. Abram sans descendance.
David, épouse la fille de Volfe Jeanrichard, de La Sagne. Daniel, ligne directe.
Onzième génération
Huguenin George, fils d’Othenin, du Locle, décédé avant 1598. Il est père de: Antoine, ligne directe.
Douzième génération
Huguenin Othenin, du Locle, né vers 1490. Ses enfants sont: Vuillemin, cité en 1598. Claude, laboureur aux Esplatures George
Sources: Archives de l’Etat de Neuchâtel et archives privées de la famille d’Oscar Huguenin
Lettre d’Oscar Huguenin à sa fille
Samedi 27 août 1899
« Ma chère Anna,
En donnant ma leçon hier après-midi à Tercier et au pensionnaire Muller, j’ai pensé à toi et dessiné ceci à ton intention d’après nature; nous étions de Vautre côté de Vareuse, près du petit chemin qui mène au château. Comme il fait toujours un temps admirable, on dessine beaucoup dehors… «
Une chambre basse dont les parois sont couvertes d’essais de peinture au rez-de-chaussée d’une petite maison sise au pied de la ville de Boudry; c’est là que vivait alors Oscar Huguenin, si on en croit cette description faite en 1905. Ce samedi 27 août il écrivit à sa fille Anna en pension en Allemagne quatre ans avant sa mort.
Un destin particulier devait marquer ce petit Sagnard né dans une famille d’horlogers et apprenti horloger lui-même par tradition et non par goût. Car ce qui l’attira c’est la lecture, c’est l’étude. Au printemps 1860, à l’issue d’une conversation avec son pasteur, il lui confia « Oh si on me le permettait, je ne demanderais pas mieux que de devenir instituteur. » Sur les conseils du pasteur, il revint de La Chaux-de-Fonds avec le grand dictionnaire de Bécherelle en deux volumes et la chrestomathie de Vinet précieusement serrés sous son bras. Il se mit à l’étude en continuant son travail de planteur d’échappements, et l’automne de la même année, il passait et réussissait ses examens d’instituteur à Neuchâtel. Il lui avait suffi de six mois pour remporter ce succès avec l’aide de son pasteur, et il n’avait pas dix huit ans!
Après avoir fait un remplacement à Couvet, Oscar est nommé à Bôle, en tant qu’instituteur. Il vit au collège et, comme le veut l’usage, c’est lui qui vaque au ménage de l’école ; monter les bûches apportées par les écoliers vers la cavette du poêle ; or en 1871, il fait une chute en transportant son bois de chauffe. Il est soigné pour une fracture des côtes. Une lésion pulmonaire aggrave son état ; il ne se remet pas vraiment de cet accident et doit renoncer à son poste de régent. Il va alors s’installer à Boudry où sa vocation d’écrivain, de peintre et de dessinateur fleurira.
Là, il n’oublia pas son pays, La Sagne, dont il évoqua le souvenir dans plusieurs de ses livres. …
Renseignements donnés par Madame Anna Rittershaus, sa fille.
Voir aussi
Eric-André Klauser, Oscar Huguenin (1842-1903), imagier du pays de Neuchâtel, 1992 ;
André Tissot, « Les dessins d’Osacar Huguenin », dans Revue neuchâteloise, No 102, 1983 ;
César Matthey, « Oscar Huguenin 1842-1903 », dans Musée neuchâtelois, 1905.