Bulletin 10 / Février 1998
Journal de Paul Quartier-la-Tente - Partie 1
Journal de Paul Quartier-la-Tente - Partie 1
Journal de Paul Quartier-la-Tente, communier des Brenets, bourgeois de Valangin, paysan aux Eplatures puis à la Charrière. Ces notes, consignées de 1840 à 1861, dans un cahier d’écolier, nous donnent une version « royaliste » des événements. Sur la couverture, le titre original a été rayé de façon très serrée et l’on peut lire, rédigé d’une autre main que celle de son auteur : « j’ai tracé le titre écrit sur la couverture bleue de ce cahier scolaire de peur de représailles de la part des républicains ». Vous y découvrirez, en deux épisodes, un aspect anecdotique mais passionnant de l’histoire de notre canton et qui nous permet de nous faire une idée plus précise de l’état d’esprit qui régnait à cette époque.
L’orthographe de l’auteur a été respectée jusqu’à la fin de l’article.
1840
7 juin : Mort de notre bon Roi
23 juin : Sonné deux heures pour notre cher Roi.
3 août : Prestation de serments au nouveau Roi.
21 août : Visite du Gouverneur au Locle et au Saut du Doubs.
1841
4 juillet : Visite des Valanginoises.
1844
11 mars : Enterré avec le corbillard.
26 juin : Tir de Bâle.
26 juillet : Attentat sur leurs Majestés prussiennes.
25 novembre : Incendie du Locle.
1846
4 octobre : Révolution de Genève.
7 octobre : Ils se sont battus à Genève.
17 octobre : Rumeurs dans le canton de Fribourg.
1847
28 septembre : Prise du bateau à vapeur à Neuchâtel par les Vaudois.
30 septembre : Départ des 7 bons cantons de la diète.
2 octobre : Arrivée de son Excellence M. le Gouverneur.
8 octobre : A la veillée chez Siebenthal avec un Prussien Neuchâtelois.
15 octobre : Fête du Roi aux Eplatures.
18 octobre : Assemblée de la Diète.
30 octobre : Départ de la Diète des 7 députés du Sonderbund.
31 octobre : Des menaces de la part des Cantons révolutionnaires – pour ne pas avoir voulu coopérer à leurs brigandages – aller piller des frères qui ne leur ont jamais fait de mal.
1 novembre : Menace des Bernois d’intervenir dans notre Canton.
5 novembre : Déclaration de guerre entre les Suisses – guerre impie.
7 novembre : Sermon extraordinaire pour nos frères égarés des douze Cantons et pour supplier notre Père céleste d’éloigner de nous la guerre.
10 novembre : Prise d’Estavayer.
14 novembre : Prise de Fribourg à 8 ½ heures du matin
22 novembre : Prise de Zoug. Entrée des radicaux dans le Canton de Lucerne.
24 novembre : Prise de Lucerne.
25 novembre : Les bandits {Révolutionnaires} ont crié et fait des feux.
26 novembre : Capitulation d’Unterwald.
27 novembre : Capitulation des Petits Cantons.
La bonne nouvelle qui nous déclare neutres et inviolables.
28 novembre : Société des Eplatures : réunion des sociétaires.
Don de 200 louis de notre bon Roi et de 50 louis de M. le Gouverneur.
14 décembre : Accordé les 30’000 livres suisses pour leur infâme guerre contre les Petits Cantons.
20 décembre : Carillon des pourris. {Révolutionnaires}
21 décembre : Idem.
22 décembre : Idem.
23 décembre : Idem.
1848
Février 1848
23 février : Abdication de Louis-Philippe, Roi des Français.
26 février : Cette triste nouvelle est arrivée ici.
27 février : Du train {Dispute bruyante, tapage} dans les rues.
28 février : Arrivée de M. de Chambrier – du train –
29 février : Renversement complet ; posé les drapeaux fédéraux partout ; crié aux armes ; coupé les cordes des cloches ; dansé la Carmagnole autour de la Sainte table ; illuminé, désarmé, brigandé, tué un royaliste
Mars 1848
1 mars : Partir pour Neuchâtel à 10 h. du matin
Prendre les canons de la Bourgeoisie et les conduire à St-Imier.
2 mars : Arrivée du canon volé à Zoug et tiré. Battre la caisse, jour et nuit, promené des drapeaux, gueulé, illuminé 6 jours de suite
4 mars : Arrivée des commissaires fédéraux. M. de Chambrier a été prisonnier à la Fleur de Lys une semaine, et le Major consigné chez lui.
4 mars : Envoyé 150 hommes contre un buisson croyant que c’était des royalistes !
5 mars : Des masses de drapeaux français, genevois et arrivée des brigands {Révolutionnaires} avec Vaudois.
Deux pièces d’artillerie volées à Neuchâtel, repartis pour le Locle et la Brévine avec armes et bagages.
Retour des canons de la Bourgeoisie à la Chaux-de-Fonds, les charger à mitraille.
12 mars : Carillon chez nous. Un nouveau drapeau
15 mars : Elections préparatoires à 1 heure.
16 mars : Retiré le débit de sel à Auguste Brandt.
Musique, drapeaux toute la soirée.
18 mars : Quatre messieurs {Royalistes} ont été faits prisonniers pour otages. Un à la Sagne, un à la Brévine, un à la Chaux-du-Milieu, un au Locle. On les a amenés le 18 à la Chaux-de-Fonds avec des drapeaux et des armes volés au Locle, avec les canons de Valangin ; ils sont repartis le dimanche avec leur butin. Les prisonniers sont à Couvet, M. Fabry est du nombre.
20 mars : La société de la maison de ville {Société royaliste} est dissoute.
25 mars : Du train.
26 mars : Assemblée des Communistes sur le Crêt ; posé un drapeau à la Cure, à la Chapelle, garde nationale.
27 mars : Ils ont posé le séquestre sur les biens de la Bourgeoisie de Neuchâtel et sur les biens des quatre Ministraux.
Avril 1848
8 avril : Ils ont rétabli une justice provisoire
9 avril : Nous avons reçu une lettre de notre cher Roi qui délie ses fidèles sujets de leur serment,
– Vive le Roi –
Ils ont promené les canons volés sur la Place d’armes en l’honneur de leur vol.
Les soupers économiques ont commencé aux Eplatures le 5 avril.
30 avril : Une vedette5 des Brenets est tombée de cheval et a été tuée. Un du Locle apprenait à son fils à tuer le bédouin {Royaliste, partisan du roi de Prusse} ; le coup part et le tue. Les votes perdus pour nous ; depuis 5 heures du matin, ils se promenaient, monté la garde samedi, dimanche et lundi.
Mai 1848
1 mai : Posé 8 drapeaux à la Maison de ville, à 5 heures du matin tiré les canons ; 2 messieurs ont eu chacun une main emportée au 46ème coup, ils ont discontinué ; un a deux enfants, l’autre est garçon.
Pour cela la fête a été au Locle, la musique y est allée et tous les radicaux. M. Nicolet pharmacien a illuminé ; ôté les drapeaux à la Maison de ville. Posé 4 drapeaux à la tour, un à l’hôtel des Postes que notre bien bon Roi faisait bâtir.
2 mai : Enterré le Roi à Neuchâtel avec un train infâme.
6 mai : Descendre 2 canons à Neuchâtel, pour en reprendre de plus gros, remontés le même jour. Planté un arbre de liberté à la Place neuve {Place de La Chaux-de-Fonds}. Enterré le Gouverneur sur la Place d’armes ; c’était une poupée.
7 mai : Faire la fête, enterrer la royauté ; grande illumination, pas chez nous.
14 mai : La musique royaliste est descendue à Neuchâtel.
15 mai : Ils ont dansé la Carmagnole à 1 h. du matin.
16 mai : Ils ont abattu leur arbre de liberté.
18 mai : Retour de notre musique.
20 mai : Oté le drapeau de la Tour.
21 mai : Du train.
22 mai : Idem.
25 mai : Remettre un drapeau sur la tour.
29 mai : Il a grêlé au point d’y aller jusqu’à la cheville.
Juillet 1848
11 juillet : Reconnu République.
30 juillet : Destitution de la musique royaliste.
Septembre 1848
7 septembre : Finir le bleu et blanc à 9 h. du soir.
11 septembre : Finir le rouge, blanc et vert.
12 septembre : Tiré 113 coups de canon en l'honneur de la constitution infernale.
18 septembre : Finir les 2 petits blancs.
Grande révolution à Francfort, les bons {Royalistes} ont gagnés.
On s'est battu 11 ½ heures. Le père était parti depuis 2 heures, quand cela a commencé.
Incendie à Anet, 41 maisons et 2 enfants brûlés ; les maisons des neuchâtelois et la cure ont été épargnées.
19 septembre : A 3 h. après-midi, incendie aux Brenets. 26 maisons-brûlées, y compris l'église, temple du Seigneur dans le temps.
Payé le 1er impôt.
21 septembre : Posé 7 drapeaux à la Balance {A la Chaux-de-Fonds}.
24 septembre : Du bruit
26 septembre : Mort de M. le trésorier Challandes.
27 septembre : Installé un juge de paix ; tiré le canon.
Octobre 1848
4 octobre : Oté les drapeaux de la maison de ville.
5 octobre : Conduit la nouvelle justice au temple. Grand cortège, ôté les portes des bancs des dames.
8 octobre : Fait un train, monté la garde, fait un prisonnier, qui passait son chemin parce qu'il avait répondu au "Qui vit" : Autrichien. Il a été enfermé 42 heures.
14 octobre : Fait un train monstre, percé, battre la Retraite, des gardes parce que demain c'est la fête de notre bon Roi.
14 octobre : Ils ressemblent à des enragés à cause des mauvaises nouvelles de Vienne pour nous.
15 octobre : Point de fête du Roi, seulement on est allé à l'église car Dieu avait bien voulu que ce fut un dimanche. M. Jeanneret a fait un sermon qui a fait pleurer tous les royalistes et c'en étaient presque tous. Beaucoup s'étaient habillés en noir, tant hommes que femmes. Cela a été une bien triste journée pour nous.
15 octobre : On s'est battu au Val-de-Ruz, fait la garde toute la nuit, c'est-à-dire les Radicaux {Républicains}.
19 octobre : Levé la seconde maison de M. Stébler, illuminé tout au haut.
29 octobre : Des votes pour le Conseil national, les royalistes se sont abstenus.
1849
Janvier 1849
4 janvier : Une lettre du Roi
21 janvier : On a voté pour les pasteurs qui ont été tous réélus.
22 janvier : A 11 h. du soir on a crié aux armes, il y a eu beaucoup de train.
23 janvier : Au matin, on a battu la caisse et 2 compagnies sont descendues à Neuchâtel. On a fait plusieurs arrestations à Neuchâtel, surtout 8 que l'on a mis dans un cachot et que l'on a aspergés avec une pompe à feu pendant 2 heures jusqu'à ce qu'ils fussent presque morts. On les a laissés ainsi depuis le dimanche jusqu'au mardi. La dernière semaine du mois, on a publié au Locle que l'on ne devait plus porter du blanc et noir, et on a pris pour cela 3 messieurs que l'on a gardé 1 jour en prison.
29 janvier : On a conduit en bas MMs les capitaines Dubois et notaire Tissot, ce dernier a été relâché le lendemain. On a aussi fermé 2 auberges à Valangin, celle de M. André et celle des bourgeois.
Il y a 300 hommes aux Verrières. Les Sagnards n'ont pas réélu leur pasteur parce qu'il est radical. On a mis un Sagnard en prison.
30 janvier : 4 jeunes gens sont jugés à 3 jours et 3 nuits de prison pour avoir bu à la santé du roi Frédéric.
Février 1849
2 février : Interdit les couleurs royales sous peine d'amende.
3 février : Mrs les Capitaines Dubois, Dubois le boulanger, et Guyenat sont de retour, par contre les 4, ceux qui avaient bu à la santé du roi chez le Capitaine Guyot sont descendus, 3 pour 2 jours et Pipolet (Droz) pour 3, chacun 10 Fr. d'amende.
Arrivée de 2 pièces d'artillerie, et publié que tous les citoyens sont convoqués pour 1 heure après-midi du lendemain pour aller à la rencontre de l'élite qui a secouru la Patrie.
4 février : Départ à 2 heures, au 1er coup de cloche qui appelait les fidèles au temple, pour aller à la rencontre des vauriens {Républicains}. Ils avaient musique, tambours et drapeaux ; leur nombre était environ 5 à 600 ; ils sont arrivés à 4 ½ heures avec 6 canons et des chansons en masse jusque sur la Place neuve où ils sont encore à 8 heures du soir. J'ai été les voir. Le même jour les aubergistes qui ont des tableaux de notre adorable Roi et bien-aimée Reine doivent les ôter. On a battu la retraite.
5 février : A 9 heures du matin, à 11 heures et à 1 heure l'après-midi, on a battu la caisse. Les canons obusiers et mortiers sont encore sur la Place neuve.
On est malade du train. Il y a 10 canons, 2 obusiers et 2 mortiers à la Chaux-de-Fonds.
10 février : Du train au Locle.
11 février : Idem.
Mars 1849
1 mars : Grande fête, des drapeaux, tiré le canon, 5 maisons illuminées.
3 mars : Le jaune et blanc.
4 mars : Assermenté les Anciens au temple.
5 mars : Le bleu.
15 mars : La poste a déménagé à l'hôtel Neuf. Le conducteur Henri avait un bouquet à sa voiture ainsi que toutes les autres postes.
28 mars : On a fait sauter une boîte vers la fontaine.
30 mars : On a fait des feux à Pouillerel.
31 mars : Les radicaux publient d'enlever les couleurs anciennes et les chevrons qui sont aux plaques d'assurance d'ici au 20 avril.
Avril 1849
28 avril : On a publié à avec 2 tambours que chacun était prié de prendre part à la fête du 30ème anniversaire de la Constitution.
30 avril : Grande fête, tiré le canon à 5 heures du matin et des pétards jusqu'à 7 heures.
A 2 heures le cortège et tous ses affidés est allé sur la place d'armes ; à 4 ½ heures ils sont descendus et le docteur Dubois les a remerciés en leur disant qu'ils étaient menacés de la royauté, mais soutenons-nous et défendons-nous. Après, il y a eu des gueulées.
Juin 1849
8 juin : Bourgeois au Val-de-Ruz, à Engollon
10 juin : Tir à Neuchâtel.
17 juin : Armé les Rouges au Locle.
23 juin : Monté la garde sans armes visibles, renvoyé des armes à Neuchâtel
Les 23, 24, 25, du train pendant la nuit, promené un drapeau rouge avec une tête de mort et crié : "mort aux bédouins et vive la guillotine".
Juillet 1849
22 juillet : Ils ont retiré la place à M. Jacot (bureau des étrangers) pour la donner à Gretillat qui avait déjà une autre place républicaine.
31 juillet : Le Conseil administratif a été nommé, il n'y avait que deux radicaux, le Cafignon (Droz) et Sandoz de Dombresson.
Tous les autres messieurs sont très respectables. Ils ont un peu prêté serment à la république le 1er doigt et le pouce. Le Cafignon {Pantoufle} s'en est aperçu et a grondé. Il leur a dit : "Si vous voulez la guerre, vous l'aurez" - Pauvre bête, il se croit le maître.
Août 1849
2 août : Il s'est noyé un enfant aux Crosettes qu'il a fallu la pompe aspirante pour le retirer.
3 août : Une petite fille s'est noyée dans une cuve aux sept-coeurs {"Les Sept Coeurs" : maison située près du Petit Montreux, à l'est de la Sombaille, aujourd'hui disparue.} ; elle appartient à ce bandit de républicain Robert des lunettes Petit drôle - Le même jour, Lubin Bourquin s'est noyé au Doubs volontairement.
11 août : Tir aux Armes réunies. Les radicaux ont fait un train monstre che Me Christen, ils ont envoyés promener leurs chefs.
19 août : Voté pour le synode. Les conservateurs avaient nommés en partie leurs pasteurs ou des personnes honnêtes, mais ô malheur, on a perdu car toute la canaille étrangère a été invité aux votes et ils ont placé de leurs voleurs.
Novembre 1849
15 novembre : Occupation de la Sagne par nos Corps-Francs pour avoir fait la fête à notre aimable Reine.
25 novembre : Rechangé les soldats, les promener par la Chaux-de-Fonds pour coucher et le lendemain les conduire à Neuchâtel.
30 novembre : Les Neuchâtelois ont évacué la Sagne à ma grande satisfaction.
Suite (1850-1863) dans le prochain Bulletin
Suite
La deuxième partie du journal de Paul Quartier-la-Tente couvre les années 1850 à 1863.
Elle a été publiée dans le Bulletin 11 de juillet 1998.
Deuxième partie